L’Europe en 25 questions

Paru dans JV 26, septembre 2011 | Texte : Franceline Beretti, Photos : Denis Eroyaux

 

Êtes-vous au point sur l’Europe ? En cette période de rentrée des classes, peut-être qu’une petite révision s’impose... JV vous explique l’essentiel pour comprendre enfin les conversations des Eurocrates !


L’Union européenne est une entité floue pour beaucoup de citoyens européens. On ne sait pas forcément de quoi l’on parle lorsqu’on l’évoque, certains Français seraient même tentés de reprendre le qualificatif de « machin » lancé par le général de Gaulle !

Et ce n’est pas étonnant, puisque par sa construction, son évolution, son fonctionnement, l’Europe est indiscutablement complexe.

Mais cette complexité mérite que l’on s’y attarde. D’abord parce qu’elle agit concrètement sur notre vie quotidienne. En soutenant lesagriculteurs, les entreprises, les projets régionaux, l’Union est loin d’être seulement une contrainte pour les Européens. On dénonce souvent Bruxelles quand ses décisions sont contraires à nos intérêts mais on ne la remercie jamais pour les bénéfices qu’elle nous apporte ! Et puis l’Union joue un rôle important dans nos vies politiques nationales. Des sujets comme l’euro, la compétitivité des entreprises, la pêche ou l’agriculture sont bien présents en France, chacun ayant son mot à dire sur ce que devrait faire ou ne pas faire l’Union.

Côté belge, elle suscite aussi des passions. Peut-être autrement : demandez donc à un Bruxellois ce qu’il pense des Eurocrates, il y a de fortes chances pour qu’il ait un avis tranché sur la question !

Bref, autant de raisons pour tenter de comprendre ce qui se cache derrière « le machin », et de découvrir qu’il n’est tout compte fait peut-être pas si terrible qu’il en a l’air.


Histoire de l´Europe

 

 

1. Qui a inventé l´Europe ?

La grande aventure européenne, celle qui aboutit à nos institutions actuelles, commence concrètement après la Seconde Guerre mondiale.

Pourtant, la belle idée d’une union des pays européens remonte à bien avant !

Saint Simon par exemple, en 1814, plaide pour une « confédération européenne » capable d´assurer la paix sur le continent (il faut dire que Napoléon lui avait fait du tort…). Au printemps des peuples, dans les années 1850, certains intellectuels militent en faveur des « états-Unis d´Europe ».

Après le carnage de la Première Guerre mondiale, Richard Coudenhove-Kalergi lance alors le mouvement paneuropéen. Il publie en 1923 Paneuropa et y défend une union des pays européens pour éviter le déclin de l´Europe. à la même époque, Aristide Briand propose la création d´une union régionale européenne dans le cadre de la Société des Nations. Les milieux économiques défendent aussi la création d´une union douanière.

Mais ce sont les idées émergeant pendant la Seconde Guerre mondiale qui seront décisives. Le manifeste de Ventonene, écrit par des résistants italiens, et à l´échelle humaine, de Léon Blum, se rencontrent sur la nécessité de construire une fédération européenne pour garantir la paix et la démocratie.


2. Quelles sont les différentes étapes de la construction européenne ?


S´il ne fallait retenir que 8 dates pour avoir en tête l´histoire communautaire, voici un petit récapitulatif !

1951 : la France, l´Allemagne, la Belgique, l´Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas crééent ensemble la Communauté européenne du charbon et de l´acier. Dorénavant, ces deux matières premières (qui servent à fabriquer des armes et donc à faire la guerre !) sont mises en commun entre les six pays.
1957 : les Six signent le traité de Rome qui instaure la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l´énergie atomique. Après le charbon et l´acier, la méthode communautaire s´étend donc à d´autres secteurs !
1962 : entrée en vigueur de la Politique agricole commune. Au sortir de la guerre et de ses pénuries,les Six assurent leur approvisionnement.
1968 : l´Union douanière entre les Six est effective : on ne paie plus pour exporter ses denrées chez ses voisins.
1979 : le parlement européen est élu pour la première fois au suffrage universel direct.
1986 : l´Acte unique est signé : les états membres s´engagent à approfondir leur coopération politique et diplomatique. Ils doivent aussi mettre en place un marché unique.
1992 : le traité de Maastricht réforme l´Europe en profondeur. Il créé l´Union européenne et donne plus de pouvoir au Parlement.
2002 : la monnaie unique entre en vigueur. Presque tous les pays de l´Union telle qu’elle existe en 2002 l’utilisent (les récalcitrants sont le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède).


3. Quels hommes politiques français ont participé à la création européenne ?


Parmi les « pères fondateurs » de l´Europe, vous avez sûrement entendu parler de Jean Monnet et de Robert Schuman

Jean Monnet

 

Le premier, petit négociant en cognac d´une entreprise familiale, a été sensibilisé très tôt aux problèmes posés par les frontières pour le commerce. Il défendra toute sa vie l´idée d´une Europe fédérale, sur le modèle des Etats-Unis d´Amérique.

 

Robert Schuman

 

Robert Schuman, lui, est le ministre des Affaires étrangères en 1950. Il est à l’origine de la mise en commun des mines et de l´acier de la France et de l´Allemagne, sous la tutelle d´un seul organe politique.

 

Jacques Delors

Parmi les Français qui ont oeuvré pour la créationd´une Europe communautaire, il faut aussi compter d´autres personnalités comme Jacques Delors. Les fonctionnaires de la Commission qui ont un peu de bouteille évoquent l’époque où il était président de cette institution avec l’oeil humide d’émotion ! Son mandat est perçu comme celui d’un vrai défenseur d’une Europe fédérale – le temps béni où un Français ne défendait pas forcément l’intérêt national, nous disent certains.

 

Simone Veil

Et, parce qu’il n’y a pas que des hommes qui font l’Europe, citons aussi parmi les Français qui ont compté Simone Veil, la première présidente du Parlement européenélu au suffrage universel, en 1979.

 


4. Les politiques Belges sont ils investis dans L´europe ?


En bon Français, on connaît bien le nom de Jean Monnet.

Paul-Henri Spaak

En revanche, qui a déjà entendu parler de Paul-Henri Spaak, pourtant tout aussi « père fondateur » que lui ? Ce socialiste belge défend les traités de création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), de la Communauté européenne de défense (CED, qui n’aboutit pas) et de la Communauté économique européenne. Bref, il est de tous les coups fédéralistes ! Lorsqu´il est ministre des Affaires étrangères, de 1954 à 1958, il contribue fortement à la relance de l´intégration européenne, après l´échec de la CED. Il pilote ensuite un groupe d'experts qui propose non pas une simple union douanière, mais un marché commun, avec les politiques et les institutions communes qu´il nécessite.

Si les Français connaissent peu Paul-Henri Spaak, est-ce parce qu´il fut très critique du général de Gaulle et de son Europe des nations contre une Europe communautaire ?

 

D´autres Belges ont beaucoup compté pour l´Europe, même s´ils ne figurent pas aux côtés de Spaak dans l’Olympe de la mythologie européenne. 

Jean Rey

Jean Rey est à l´origine du système de ressources fi nancières propres à l´Europe, ce qui lui donne une vraie indépendance par rapport aux gouvernements nationaux.

 

Guy Verhofstadt

Guy Verhofstadt, candidat malheureux à la tête de la Commission en 2004, est le président du groupe « Alliance des démocrates et des libéraux pour l´Europe » du Parlement depuis 2009.


 Paru dans JV 26, septembre 2011.

Les institutions européennes

 

 

5. À Quoi sert mon eurodéputé ?

 

Si vous votez lors des élections européennes, alors vous contribuez au choix des 78 députés qui représentent la France en Europe. Mais leur rôle n’est pas cantonné à une fonction représentative, justement !

Le Parlement européen a un pouvoir législatif, budgétaire (il peut sanctionner une proposition de budget de la Commission) et de contrôle des autres institutions. Au moment de l’investiture de la Commission, par exemple, le Parlement fait passer un « oral » aux commissaires désignés par les états membres. Certains ne passent pas le test et n’entrent pas en fonction !

Le parlement peut aussi faire chuter la Commission par une motion de censure. Les élections européennes sont donc loin d’être anecdotiques, même si chez nous et chez nos voisins, on y reproduit souvent des enjeux de politique intérieure…

 

6. Le conseil et la commission sont-ils partenaires ou rivaux ?

 

Le Conseil représente les états membres. Il est à la fois le principal pouvoir législateur (il adopte les règlements et les directives, pour parler « technique ») et exécutif de l´Union européenne.

Quand le Conseil se réunit, au moins deux fois par an, il y a autour de la table les chefs d´état et de gouvernement de 27 pays et le représentant de la Commission. C´est donc un peu plus que les intérêts des états qui sont représentés ! Même si, de plus en plus souvent, les hommes politiques qui y siègent y défendent une vision très nationale…

Parfois, ce n´est pas le Conseil européen qui se réunit, mais le Conseil des ministres européens, nuance ! Dans ce cas, les ministres invités sont ceux concernés par l´objet de la réunion (agriculture, économie et fi nance, par exemple).

La Commission, elle, doit défendre l´intérêt général. Elle est chargée de traquer les manquements des états vis-à-vis de leurs engagements communautaires. Son président (actuellement José Manuel Barrosso) est désigné par le Conseil au sein de la majorité du parlement européen (vous voyez que les élections des eurodéputés ont un sens !). Une fois le président de la Commission nommé, il choisit 26 commissaires, l’équivalent de nos ministres nationaux. Il y en a donc un par état membre ! Ce qui remet en question le côté fédéral de la Commission, et surtout, sa facilité de fonctionnement…

 

7. Y a-t-il une Justice européenne ?

 

La Cour de justice des Communautés européennes siège à Luxembourg.

Elle se compose d’un juge par état membre et d’avocats généraux, chargés d’expliquer le cas qui doit être jugé, de manière objective. Les juges ont un mandat de 6 ans, ils sont nommés par les gouvernements. La justice que cette Cour fait appliquer peut paraître très technique : elle assure le respect du droit communautaire, notamment en ce qui concerne le marché unique, les politiques sectorielles et l’union économique et monétaire. Mais ne sous-estimons pas son rôle dans la vie quotidienne des Européens ! C’est en s’adressant à elle qu’une Allemande, Tania Kreil, désireuse d’une carrière militaire, a pu obtenir une modification de la constitution de nos voisins, qui stipulait qu’une femme ne pouvait pas avoir un emploi dans l’armée.

 

8. À quoi sert la présidence de l´union ?

 

Depuis la création de la Communauté européenne, tous les 6 mois, on change de Président. La rotation se fait par ordre alphabétique, pour ne pas faire de jaloux.

Aujourd’hui, tourner tous les semestres présente l’inconvénient majeur de devoir attendre très longtemps son tour ! Alors qu’avec l’Europe des 6, chaque Etat membre incarnait l’esprit de la communauté tous les trois ans.

Pourtant, la Présidence reste un moment prestigieux pour un pays : le président organise et dirige les réunions du Conseil, en décidant ce qu’il peut mettre à l’ordre du jour. En général, il s’agit des sujets qui tracassent le pays dont il vient !

En 2005 par exemple, la présidence britannique a inscrit au programme les renégociations fi nancières… La Présidence de l’Union européenne incarne aussi l’Europe à l’étranger et le Président dirige les rencontres avec les états-Unis, la Chine, le Japon ou la Russie. Bien sûr, selon sa nationalité, chacun n’a pas la même vision de ce que doit être la politique européenne. Les Espagnols ont relancé les relations euro-méditerranéennes pendant leur Présidence, alors que les Finlandais s’investissent plus dans une politique de bon voisinage avec la Russie. D’où le problème de cette Présidence tournante, qui se traduit aussi par une certaine inconstance.

 

9. Quel est Le Bilan de La présidence française de L’union européenne ?

 

La Présidence française n’a pas été un long fleuve tranquille ! Dès le début, les crises se sont multipliées : d’abord le « non » irlandais au référendum sur l’adoption du traité de Lisbonne, ensuite la guerre entre la Géorgie et la Russie, puis la crise fi nancière et économique mondiale.

L’avis général dans les institutions européennes est que la France a plutôt bien tenu son rôle. Nicolas Sarkozy est perçu comme un Président qui a su réagir rapidement et donner plus de place à l’Union sur la scène internationale. Certains regrettent que cet activisme se soit fait au détriment de la Commission.


 Paru dans JV 26, septembre 2011.

 

Les Bruxellois et les Eurocrates

 

10. Qu´est-ce qu´un eurocrate ?

 

Une Belge à qui nous posons la question rectifi e immédiatement : « à Bruxelles, on dit ‘Eurocrotte’ ». Le ton est donné !

Malgré son aspect péjoratif, le terme désigne à l’origine ceux qui travaillent pour les institutions européennes. Soit environ 50.000 personnes, dont les trois-quarts sont à la Commission.

Mais quels êtres humains se cachent derrière ? L’Eurocrate est de manière très égalitaire un homme ou une femme, les institutions européennes respectant la parité. Il parle minimum deux langues (parmi lesquelles l’anglais, le français ou l’allemand), en fait souvent trois ou quatre, et travaille 37,5 heures par semaine... en théorie ! La plupart font beaucoup plus.

Si votre rêve est de travailler à la Commission, vous pouvez l’intégrer en tant qu’agent contractuel, expert envoyé par votre gouvernement national ou stagiaire. Il y a de tout ! Si vous rêvez d’être fonctionnaire européen, en revanche, il vous faudra être recruté par l’Office européen de sélection du personnel. Avec un concours costaud à l’entrée. En cas de succès, vous serez inséré dans une échelle hiérarchique complexe… et gagnerez de 2.300 à 16.000 € par mois, avec 24 jours de congés annuel et un départ à la retraite à 63 ans !

 

11. Quels sont les privilèges d’un fonctionnaire européen ?

 

Les Belges ont parfois la dent dure contre les eurocrates. Tellement dure que certains leurs attribuent des privilèges qu’ils n’ont pas !

En revanche, les fonctionnaires des institutions ont des avantages incontestables.

 

Les écoles européennes

Il y a cinq écoles européennes en Belgique, dont quatre à Bruxelles.

Elles proposent un enseignement fondamental dans 15 langues offi cielles de l´Union. Dès la première année du primaire, les élèves apprennent une deuxième langue qui est forcément une des langues véhiculaires de l´Europe : Anglais, Français ou Allemand. Quelques années plus tard, ils apprennent une troisième langue étrangère ! Et, en option, l´apprentissage d´une dernière langue est possible… Résumons : un petit Polonais peut commencer l’école dans sa langue maternelle, puis avoir une partie des enseignements en français, avec l’anglais comme troisième langue et, enfin de scolarité, des cours d’italien ! Le niveau de ces écoles est réputé excellent mais il a un prix : un an de scolarité revient environ à 10.000 € pour les parents.

 

Le système des crèches

 

Un des autres avantages dont bénéficient les eurocrates est le système de crèches. Tous les parents s´étant battus pour avoir une place en France savent à quel point faire garder son enfant peut être un parcours de combattant ! 

À Bruxelles, les fonctionnaires européens disposent de cinq crèches, dont trois autour du rond point Schuman. Elles sont ouvertes de 8h à 18h15, accueillent en tout plus de 1.000 enfants âgés de 8 mois à 4 ans. Là encore, c´est une belle façon d´apprendre la langue de l´autre… si l´on n´est pas francophone à l’origine.

Pour bénéficier de ce service, les Européens paient un montant qui varie en fonction de leurrevenu. Il représente 9 % des revenus totaux d´un ménage pour un enfant mais il ne peut pas dépasser 1.062 € par enfant et par mois.

 

12. Est-il devenu impossible de vivre à coté des institutions ?

 

C’est un thème classique dans les quotidiens belges. Pourquoi la vie à côté des institutions est-elle insupportable ?

Selon Marie-Jo, une habitante du quartier de la place Jourdan, c’est surtout pénible certains jours de l’année. « Lorsque les chefs d’état sont là, pour le Conseil, tout est bloqué. On ne peut pas circuler en voiture, il faut montrer patte blanche à chaque carrefour, la vie quotidienne devient impossible ! On ne peut pas rentrer du supermarché et descendre ses courses devant sa porte, par exemple. Il y a quelques années, le petit garçon de mes voisins n’a pas pu rentrer chez lui après l’école car il n’avait pas ses papiers sur lui ! Avec le 11 septembre 2001, il y a eu un renforcement des règles de sécurité qui a encore compliqué les choses. Mais les policiers discutent avec nous et sont très sympathiques. ça aide (parfois) à faire passer la pilule… ».

Autre conséquence de l’arrivée des institutions : la flambée des loyers. Beaucoup de Bruxellois s’en plaignent, mais les propriétaires sont plutôt contents… question de point de vue !

 

13. Pourquoi l´Europe est-elle à Bruxelles ?

 

Avant l´entrée en vigueur du traité de Rome, en 1958, il fallait trouver un siège pour la CEE et l´Euratom. Certains, dont Jean Monnet, prônent la création d’un « district européen » réunissant toutes les institutions. Ils n´imposeront pas leurs vues : Luxembourg veut garder la CECA mais n´est pas prêt à accueillir ces nouvelles organisations, avec leur flot de fonctionnaires internationaux ! Paris est candidate, mais n´a aucune chance d´être acceptée par les partenaires de la France, surtout l’Allemagne, qui redoute son hégémonie. Strasbourg est mal défendue… C´est donc finalement Bruxelles qui est choisie, pour sa position centrale entre les états membres du Nord et du Sud et le caractère europhile de la Belgique.

 


 

Les relations entre pays européens

 

14. Pourquoi les Roumains n´ont pas le même statut que les autres Européens ?

 

Les citoyens roumains ne peuvent pas circuler librement sur le territoire européen. Ils ont un statut spécifique car leur pays n’appartient pas à l’espace Schengen.

Mais ils ne sont pas les seuls : Chypre et la Bulgarie ne font pas non plus partie de cet espace. Leur adhésion est trop récente et les autres États membres jugent qu’ils ne sont pas prêts pour intégrer Schengen et ses règles de fonctionnement.

Après la vague fantasmée de plombiers polonais déferlant à l’Ouest, certains craignent l’arrivée massive d’ouvriers de ces pays de l’Est ! Mais ce statut particulier n’est pas réservé aux pays arrivés récemment dans l’Union. L’Irlande et le Royaume-Uni ne font pas partie non plus de cet espace. De leur côté, ils jugent tout simplement qu’il n’est pas bon de renoncer au contrôle des frontières de leur territoire national. Un avis que le Danemark et la France partagent de plus en plus, puisqu’en juin dernier, ils ont tous les deux invoqué des circonstances exceptionnelles pour rétablir les contrôles d’identités à l’entrée de leur pays.

Enfin, pour ajouter un peu de piment à ces complexités législatives, trois pays ne font pas partie de l’Union européenne… Suisse, la Norvège et l’Islande sont associés à la libre circulation des personnes et à l’accroissement des coopérations policières et judiciaires.Oui, c’est un peu compliqué !

 

15. Pourquoi l´Union Européenne met-elle tout en oeuvre pour sauver la Grèce ?

 

La Grèce, mais aussi maintenant l’Espagne ou l’Italie : depuis plus d’un an, l’Union multiplie les réunions et les prises de décision pour aider ces pays en difficulté et pour tenter de ne pas fragiliser l’ensemble de la zone euro.

Les banques européennes ont dans leurs actifs financiers des obligations émises par ces pays. Or, sur les marchés, les mauvaises notes des agences de notation et la situation d´incertitude provoquent un cercle vicieux : quand la note d’un pays baisse, les investisseurs sont tentés de se débarrasser de leurs titres, jugés trop risqués. Certains le font pour limiter des pertes qu´ils anticipent, d´autres le font pour s´enrichir, en pariant sur le défaut de paiement de grands pays comme l´Espagne ou l´Italie. Ces ventes de titres augmentent les taux d´intérêt et rendent les conditions d´emprunt encore plus difficiles pour les États fragiles. Du coup, les agences de notation baissent leur note…

Au final, certains États ne sont plus en capacité de rembourser. C’est le système financier européen dans son ensemble qui est déstabilisé, c’est pourquoi la Banque centrale européenne (BCE) rachète les titres émis par ces pays, afin de limiter l’effet de contagion.

 

16. Y a-t-il une opinion publique européenne ?

 

« Personne ne sait si elle existe. Pourtant nous avons fait le pari, risqué, qu’il y en a une ».Christofer Berg est le co-fondateur suédois d’un journal qui paraît pour l’instant seulement en ligne, et encore, pas sous sa forme définitive.

European Daily se veut le premier quotidien européen. « C’est parti d’une frustration. Je vivais à Paris, je pouvais lire la presse suédoise mais je n’étais pas intéressé par ce qui se passait à Stockholm. Les journaux français parlaient surtout de politique intérieure. En tant que lecteur, j’ai ressenti le manque d’un quotidien européen. » Quelques mois plus tard, en 2008, la version web du quotidien rêvé par Christofer et Johan Malmberg, l’autre co-fondateur, est en ligne. Elle n’a pas encore de journalistes qui travaillent pour elle : European Daily reprend, dans tous les journaux anglophones, les articles susceptibles d’intéresser chaque Européen. « On veut produire une information au-delà des vues nationales, sans lister toute l’actualité pays par pays.Est-ce qu’un quotidien national américain passe en revue tous les États fédérés ? Non : il sélectionne dans l’actualité de chacun ce qui fait sens au niveau national. Il faut une vraie ligne éditoriale et faire un choix ».

En juin dernier, la volonté des co-fondateurs se matérialise un peu plus avec la sortie de la première version papier. Un seul numéro, diffusé à 40.000 exemplaires. Il est gratuitement distribué à Berlin, Bruxelles, Londres et Paris, des institutions aux grands hôtels, de la gare de St Pancras aux sièges des grandes compagnies à La Défense ! Le symbole est fort : voir des Européens de toutes les nationalités, le même journal à la main.

« On a fait ce numéro pour montrer aux gens notre projet. Mais aussi voir ce que cela représente, concrètement, de sortir un journal avec des articles écrits par des journalistes, des annonceurs, une imprimerie, un réseau de distribution... toute la chaîne d’un quotidien ! Et surtout, on voulait avoir un retour. Il a été plutôt bon ». Christofer espère que le European Daily pourra naître pour de bon, d’ici la fin de l’année, avec des articles conçus spécialement pour lui. Alors que le sentiment d’appartenance à l’Europe est à mal, l’initiative est certes risquée mais très stimulante !

Site : www.europeandaily.com

 

17. Y a-t-il une spécificité culturelle européenne ?

 

« Le cinéma européen n´existe pas. Il n´y a pas un, mais des cinémas européens. C´est Wim Wenders qui le dit », cite Thierry Leclercq, responsable du programme européen MEDIA pour le gouvernement wallon.

Le cinéma européen se caractérise donc par sa très grande diversité, linguistique, culturelle… et par ses conditions de production. « Comme le marché est très fragmenté, les films européens circulent très peu. Ils ont de petits budgets : 7-8 millions d´euros en moyenne, contre 35 millions aux états-Unis ! Et pour les grosses productions hollywoodiennes, on dépasse allègrement les 100 millions d´euros… »

Le programme MEDIA a justement été créé il y a 20 ans pour aider les films produits par l´Union à exister et à se faire une place dans les salles. Comment ça marche ? MEDIA peut faire par exemple des appels à projets, en amont de la production. « On choisit les films sur l´originalité du projet, la qualité du plan de financement, le potentiel européen, c´està- dire la capacité du film à intéresser des partenaires dans d´autres pays européens, » explique Thierry Leclercq.

Parmi les films aidés par MEDIA, quelques gros succès européens et internationaux comme La vie des gens ou les films de Pedro Almodovar, beaucoup de Palmes d´Or (Entre autres, Le Ruban Blanc de Michael Haneke, L´enfant des frères Dardenne) et toujours des films dont on se souvient. Sur 1.200 films produits en UE chaque année, environ un tiers sont aidés par ce programme, dont le budget annuel est d´environ 100 millions d´euros.

 

18. La Turquie est-elle européenne ?

 

La question ne se pose pas en ces termes.

Il n´y a aucune limite « géographique » claire à l´Europe, ni d´héritage historique permettant d´intégrer ou d´exclure un pays sans discussion : le monde grécoromain comprenait le Nord de l´Afrique, et l´Empire byzantin, qui inclut l´actuelle Turquie, était chrétien !

En fait, les limites de l´Europe dépendent seulement du contenu qu´on souhaite lui donner. Une union politique dans laquelle les membres forment un ensemble cohérent, s´exprimant d´une seule voix, est bien plus exigeante en terme d´adhésion qu´un ensemble de pays reliés par des accords économiques. Mais l’Union définit-elle ce qu’est être européen ? Seul un traité stipule que « tout état européen qui respecte un certain nombre de principes » peut postuler à l´Union. Ces principes étant la liberté, la démocratie, le respect des droits de l´homme et de l´état de droit. Ce qui ne simplifie pas le débat, puisque savoir si un pays respecte ou pas ces principes est déjà source de discussion.

 

19. Les Verts ont-ils une vocation plus européenne que les autres partis ?

 

Certaines thématiques environnementales devraient être traitées à l’échelle européenne. Le réchauffement climatique, la pollution de l’eau ne s’arrêtent pas aux frontières nationales !

Les membres du Parti Vert européen ont-ils pour autant une vocation plus européenne que leurs camarades du Parti Populaire Européen (qui regroupe les conservateurs) ou du Parti Socialiste Européen ? Difficile de trancher. Ils défendent le fédéralisme, c’est-à-dire le fait que les décisions politiques soient de plus en plus prises à l’échelle européenne.

Les Verts sont aussi les premiers à avoir coordonné leurs différents partis nationaux pour les élections européennes, en 1984. Ils sont un peu plus qu’une fédération, contrairement à leurs homologues du PSE et du PPE car si vous adhérez aux écolos en France, vous êtes directement membres du parti Vert européen ! Un parti qui n’est pas seulement « européen » au sens strict – avec seulement les états membres de l’UE. Il dépasse les frontières de l’Europe communautaire, avec ses 34 partis nationaux… dont les écologistes suisses, ukrainiens et russes !

 


 

L’Europe au quotidien

 

 

20. Pourquoi les bateaux espagnols n´ont-ils pas le droit de pêcher sur les côtes françaises ?

 

À l´origine, un des principes qui guide la politique de pêche commune (PCP) est le libre accès au territoire de la Communauté économique européenne.

En clair, les pêcheurs italiens pouvaient donc venir ramasser des coquilles Saint- Jacques près des côtes bretonnes. Mais avec l´entrée dans l´Europe du Danemark, de l´Irlande et du Royaume-Uni (en 1972), le principe de liberté d´accès à la mer est abandonné. Trop explosif, comme sujet !

Peu à peu, la PCP consolide en fait une conception nationale de la pêche, notamment avec les adhésions espagnole et portugaise, où les pêcheurs constituent des groupes de pression importants. Pas question de laisser ses voisins ramasser des prises dans sa mer à soi ! Depuis, la PCP se limite essentiellement à la gestion des ressources. Chaque année, le Conseil fixe par État et par espèce la quantité de poisson qu´il est possible de capturer. Cette mesure se fait donc via les États membres… qui ne contrôlent pas toujours très bien leurs propres ressortissants ! La France a d´ailleurs été condamnée par l´Union européenne car elle commercialise des merluchons trop petits par rapport aux normes en vigueur pour le renouvellement des stocks.

 

21. L´Europe est-elle responsable du prix de mon litre de lait ?

 

Non, l’Union européenne n’intervient pas dans le prix des denrées alimentaires. La politique agricole commune (PAC), qui entre en vigueur en 1962, pouvait à l’origine soutenir les prix en constituant des stocks énormes. On parle d’entrepôts énormes de beurre pour éviter que son prix ne soit trop bas, dans les années 1970 !

Mais depuis la réforme de 1992, les objectifs de la PAC ont été revus. L’Europe n’encourage plus l’augmentation de la productivité mais au contraire la mise en jachère, pour éviter la surproduction. Les manques de l’après-guerre sont dorénavant loin… Désormais, les aides aux agriculteurs n’ont rien à voir avec ce qu’ils produisent (c’est ce que signifie concrètement le « découplage des aides »). Elles sont par exemple calculées sur le nombre d’hectares qu’ils possèdent. Pour obtenir ces soutiens financiers, les producteurs doivent aussi respecter certains critères environnementaux. Le prix du lait est donc normalement le même dans toute l’Europe…

Ce sont les coûts de transformation qui font que votre pack n’a pas le même prix en Belgique et en France !

 

22. Comment les entreprises font-elles pour se retrouver dans le droit communautaire ?

 

Personne ne peut le nier : la législation européenne est complexe. Parfois très complexe.

Pour s´y retrouver, la Commission tente la pédagogie auprès des citoyens, mais aussi des  vie d´une entreprise qui souhaite tenter l´aventure européenne sont décrites. Comment ouvrir un commerce ? Exporter ses produits ? Trouver des financements, des partenaires… jusqu´à la cessation d´activité ? Tout y est détaillé, en plusieurs langues. « Ce site est le premier outil de la Commission pour orienter les entreprises dans le droit communautaire, explique Cécile Dubois, une Française qui travaille à la Direction Générale ‘Markt’. L´autre outil que nous avons pour les orienter, c´est l´aide juridique.

Sur le site ‘L´Europe vous conseille’, chacun peut poser une question et obtenir une réponse concrète en moins d´une semaine. Et c´est un service gratuit ! »

Un autre service, SOLVIT, aide les entreprises à faire des affaires en Europe. Concrètement, on peut faire appel à lui en cas de problème avec une autorité publique d´un État membre, dans le cadre d´une activité transfrontalière. L´autorité en question peut mal appliquer le droit européen, ou bien la langue peut être source de malentendus… Plutôt que d´entamer une procédure judiciaire longue, coûteuse et compliquée, SOLVIT met en contact les centres nationaux des pays concernés. En 10 semaines, le problème doit être résolu, à l´amiable, entre les deux pays. Si aucune solution n´apparaît, alors la Commission peut intervenir. « C´est une approche très pragmatique, explique Cécile Dubois. Parfois, on tombe sur un problème récurrent qui entraîne une adaptation dans la législation d´un pays membre ».

 


 Paru dans JV 26, septembre 2011.

 

L’Europe et l’argent

 

23. L’euro, un enjeu dans la campagne électorale française ?

 

À quelques mois des élections présidentielles françaises, en pleine crise économique, l’euro est sur le devant de la scène politique. Que ce soit pour le critiquer et demander la sortie de la France de cette zone monétaire, comme le Front National, ou pour réaffirmer la nécessité de la défendre, comme le font la plupart des autres partis.

Pourtant, fustiger ou louer l’euro comme si personne n’avait d’emprise sur lui n’a pas de sens. Derrière la monnaie unique, il y a des politiques menées, des choix économiques et  nanciers ! Le fonctionnement de la politique monétaire varie notamment en fonction de la conjoncture économique…

Depuis le début de la crise financière, les institutions européennes s’éloignent peu à peu de leur orthodoxie et de la conception qu’elles se font habituellement de ce que doit être la zone euro. La Banque centrale européenne, présidée par le français Jean-Claude Trichet, est un peu plus interventionniste qu’à son habitude. Certains le regrettent au sein de l’UE, d’autres s’en réjouissent. C’est donc le moment pour les politiques français de faire pencher l’avenir de la zone euro dans un sens ou dans l’autre… et d’expliquer leur conception lors d’enjeux électoraux nationaux!

 

24. L'Europe gaspille-t elle notre argent  ?

 

À voir certains programmes financés par l´Union européenne, on pourrait le croire. De nombreux Portugais se plaignent par exemple de la construction d´autoroutes pas toujours très fréquentées dans leur pays, avec des fonds européensqui plus est !

Pourtant, l´Union n´est pas toujours à blâmer. Prenons l´exemple des FEDER, les Fonds européens de développement régional, qui ont participé au  nancement des autoroutes en question.

Comment fonctionnent-ils? C´est simple: la Commission définit des orientations très générales pour aider les régions en difficulté. Ensuite, chaque État membre propose des «programmes opérationnels» (PO), qui dé nissent leurs priorités par rapport à ces orientations. Pour la période 2007-2013, environ 450 PO ont été validés par la Commission. Libre ensuite à chaque État membre de mettre en oeuvre des projets concrets qui répondentà leurs priorités et qui sont  nancés par Bruxelles. Autrement dit, si certains projets sont inutiles, ça n´est pas la faute de l´Union, qui estime que les États sont bien assez matures pour savoir ce dont ils ont besoin !

 

25. L'Europe, combien ça coûte ?

 

Le budget européen représente environ 1% du PIB des pays membres. Il est fixé pour plusieurs années et ne peut être déficitaire ou excédentaire. Concrètement, chaque pays contribue selon sa richesse: l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni assurent environ les deuxtiers des recettes de l’Union. Pour la période 2007-2013, les institutions disposent d’environ 860 milliards d’euros pour fonctionner et mener leurs politiques. Le budget à partir de 2014 doit être cette année. La Commission fait une offre en juillet, qui est revue et éventuellement modifée par le Conseil. Le Parlement avalise le budget avant la fin de l’année.

 

 

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