Juliette & Victor n°3 - Elles ont changé de métier

Lundi 13 août 2012 | Texte : Francine France

 Paru dans JV3, sept-oct 2007.

 

Elles ont changé de métier

Changer de métier en changeant de pays. Ces femmes l’ont fait. Pour des raisons variées : la nécessité de s’adapter au marché de l’emploi belge, la réalisation d’un vieux rêve ou simplement un concours de circonstances.

 

Découvrez sept récits de reconversion.

 

Marion et Sophie se sont lancées dans la cuisine en ligne

 


« Je suis passée de l’expertise des diamants à la cuisine en ligne à cause d’un chagrin d’amour », résume Marion.

Avec Sophie, la Belge du duo, elles sont les créatrices de tomate-cerise.be, un portail gastronomique dynamique et ludique, alimenté sans cesse en nouvelles recettes, astuces et bonnes adresses.


Gemmologue, Marion a travaillé à New York puis à Paris, chez Cartier. Elle est sur le point de se marier mais son instinct de liberté l’emporte. En août 2005, cette Lilloise de naissance choisit la capitale belge pour soigner ses bleus au coeur. Elle envisage d’abord d’y continuer son activité jusqu’à ce qu’elle croise la brune Sophie au club de gym. Entre deux abdos, elles échangent des recettes. Car toutes deux sont des accrocs de cuisine. « Depuis ma plus petite enfance, on inventait des plats avec
mes frères et mes cousins. La rencontre avec Sophie m’a permis de comprendre que, grâce à Internet, j’allais pouvoir conjuguer deux de mes envies secrètes : l’écriture et la cuisine. »

Dès l’ébauche du projet, elles adoptent une approche rigoureuse et professionnelle avec séances régulières de brainstorming. « Dans ces moments, on oublie qu’on est amies. »

Toutes deux savent tirer profit de leurs différences. Si la rationnelle Sophie, informaticienne, a apporté son savoir-faire technique, elles travaillent en commun sur l’iden tité visuelle du site. Photos, logos, icônes et textes, tout est réalisé à quatre mains. Y compris les e-cakes vendus en ligne !

« Cela m’occupe l’esprit 24 heures sur 24, confie Marion. Je me réveille la nuit pour noter une idée et au marché, je pense mise en page. » Quant à la rentabilité, après un an d’existence, elle espèrent commencer à récolter le fruit de leur efforts tout en se diversifiant avec une boutique en ligne qui serait « une épicerie fine, rigolote et pas vieillotte, avec des produits qu’on ne trouve pas en Belgique ». Elles viennent tout juste de démarrer une table d’hôtes où, bien entendu, tout est home made. Chaque mois, les « gourmands » se retrouvent derrière Flagey, au café Dapvins, rue du Belvédère, autour d’un thème (s’inscrire sur le site).

Lorsqu’elle fait un premier bilan, Marion constate que son état d’esprit a changé : « Le savoir-vivre, si propre à ce pays, l’accueil désarmant de simplicité, l’atmosphère bon enfant, m’ont très vite mise à l’aise. Je me suis sentie plus libre, beaucoup moins “jugée” qu’à Paris, dans tous les domaines, et cela m’a poussée à être audacieuse, à m’étonner moi-même, à me dépasser pour des choses en lesquelles je crois profondément. Je n’aurais pas eu ce cran en restant à Paris. J’avais déjà eu ce sentiment
à New York. Et je trouve d’ailleurs que les Belges ont un petit côté anglo-saxon dans leur façon de concevoir la vie, leur boulot, les loisirs. J’ai adoré retrouver cela ici ! »

 

Isabelle a ouvert une école de cuisine

 

Isabelle est elle aussi toquée de cuisine. Mais cette quadra vivante et pleine d’humour a choisi le risque calculé. Elle a ouvert cooking-time.be, un cours décomplexé, tout en conservant le très sérieux cabinet de conseil successoral qu’elle a créé lors de son arrivée en Belgique en 2001. Une activité dans le droit fil de sa vie professionnelle française d’audit et de banquière. A mille lieues du risotto aux truffes ! Cette boulimique de travail a toujours trouvé du temps pour se mettre aux fourneaux.
« A neuf ans, je faisais mes premiers gâteaux. Cuisiner, c’est le plus bel acte de partage qui soit. On peut faire plaisir et se faire plaisir trois fois par jour. »

C’est après avoir vu un reportage sur la vogue des écoles de cuisine en France que son mari lui souffle : « Ça, c’est pour toi. » Il aura fallu deux ans pour trouver un local près du Marché aux Poissons dans le centre historique de Bruxelles. « Ici, on vient passer un moment détendu, tout en mettant la main à la pâte. Pour avoir beaucoup travaillé dans la finance, je sais combien on aime parler le jargon. C’est pareil pour le vocabulaire des cuisines. Et j’ai surtout voulu l’éviter. » Elle propose
des formules variées dont le cours-dégustation d’une demi-heure à l’heure du déjeuner (on trouve dans l’assiette ce que l’on a préparé).

Jusqu’à présent, Cooking-Time s’est fait connaître uniquement par le relationnel. Isabelle s’emploie désormais à consolider ces bons débuts avec de nouvelles initiatives : leçon exceptionnelle avec un chef extérieur et aussi événements pour de grandes sociétés. Son conseil à celles qui ont un rêve à réaliser : « Y aller, tout en étant très viglante. La passion, mais pas à n’importe quel prix. Il ne faut pas hésiter à limiter ses dépenses. Et à négocier.»

 

 

Catherine : l'art contemporain accessible

 

« J’avais envie de me faire plaisir », résume-t-elle.


Son idée ? Proposer de l’art contemporain accessible dans une atmosphère détendue.

Prix maximal des oeuvres: 1 300 euros.

Home Galerie met en rapport clients et artistes en organisant des accrochages d’un soir chez des particuliers.


L’objectif, clairement, n’est pas de concurrencer les marchands mais de faire connaître des artistes « qui n’ont pas les moyens du ticket d’entrée dans les galeries ». Catherine a aujourd’hui une « écurie » d’une vingtaine de peintres, sculpteurs, photographes qu’elle est allée découvrir le plus souvent dans leurs ateliers. En un an de présence en Belgique, elle a déjà monté trois soirées et la prochaine est programmée en octobre. « Je n’aurais sans doute pas pu mettre ce projet sur pied, aussi vite, en restant à Paris », dit-elle, tout en soulignant l’aide efficace de son réseau d’amis et relations franco-belge « pour tisser la toile ». C’est donc sans se retourner qu’elle a laissé derrière elle vingt ans d’expérience dans le marketing, la création d’événements et les achats pour de grands magasins parisiens.


Diplômée d’histoire de l’art, elle reconnaît cependant que « les clients marchent au feeling et ils sont moins intéressés par les explications techniques que par l’histoire du tableau et la personnalité du peintre ».

 

Christine, reconversion par nécessité

 

Mais que se passe-t-il quand on abandonne son métier parce que l’on part à l’étranger et que l’on n’a pas une passion de rechange ?

Christine , ex-DHR, s’explique : « J’aimais énormément ma vie professionnelle, mais aussi mon quartier, près de la place Maubert, où je faisais tout à pied, explique cette mère de trois garçons. J’ai donc pris beaucoup de temps avant de dire banco à mon mari à qui on proposait une promotion à Bruxelles. »

Quelques cartons plus tard, la voici dans la belle maison uccloise. En pleine verdure mais loin de tout. L’acclimatation est rude. Malgré ses fils, le bénévolat, le sport, le groupe de lecture…

« Du jour au lendemain, je n’avais plus de perspectives. J’ai compris que j’étais incapable de ne pas travailler. » Car impossible d’exercer le même poste sans également parler néerlandais. Elle s’inscrit donc à un cours de langue, mais la solution viendra de Paris lors d’une rencontre fortuite. Le patron de Symbiosis Consultants lui propose de créer la filiale belge. La société est spécialisée dans l’étude des comportements appliquée aux entreprises. Elle propose une multitude de stages et de séminaires, avec l’intervention de comédiens spécialement entraînés.

Premier chantier de Christine : connaître parfaitement l’entreprise et le contenu des formations. « Pendant plusieurs mois, je suis allée une fois par semaine au siège parisien. J’ai beaucoup travaillé à concevoir de A à Z un séminaire de formation. »

Elle a aussi recruté une équipe de comédiens francophones et néerlandophones. Depuis, la filiale belge a ouvert ses portes et Christine a déjà signé quelques contrats. Ironie du sort, ses principaux interlocuteurs et clients sont les directeurs des relations humaines !

Elle reconnaît que « changer de job n’est pas aisé. Il faut surtout éviter de croire qu’on peut faire une pause d’un ou deux ans. Revenir ensuite sur le marché est vraiment difficile. »

 

Du luxe à l'immobilier pour Agnès

 

Le problème du bilinguisme mis à part, certains secteurs, comme le luxe, sont moins présents en Belgique.

Agnès en a fait l’expérience. Il y a encore deux ans, à Paris, elle travaillait sur la stratégie et la conception de marques, après douze années dans le marketing des parfums. « Avec l’agence Air, j’ai eu quelques missions. Mais il n’y a pas ici le même potentiel international et moins de produits très haut de gamme.» L’expérience la laissera un peu sur sa faim. Son punch naturel la pousse à tenter autre chose : ce sera l’immobilier. Elle dépose un dossier à l’IPI (institut régissant les règles de la profession), se souvient opportunément d’un passage de deux ans dans le groupe Féau à Paris, passe avec succès « le grand oral ». La voici
devenue agent immobilier indépendant. Une position pas toujours très confortable. « Il y a peu de place pour les nouveaux venus. Les agences immobilières ne voient pas toujours d’un bon oeil l’arrivée de concurrents potentiels et la collaboration se révèle parfois pleine de surprises. De plus, le marché bruxellois est très hétéroclite. Il faut une connaissance de la ville très pointue, rue par rue, presque maison par maison. »

Agnès tire de cette reconversion un bilan mitigé. Heureusement, cette activité lui a laissé du temps pour ses enfants de onze, quinze et seize ans. « S’ils ont tous très bien terminé l’année, je sais que c’est parce que j’ai été très présente. »  A la rentrée, elle ajoute une corde à son arc. Elle vient d’accepter de prendre en charge l’image de la fondation Missing Children Europe. « J’ai envie de servir à quelque chose », confie-telle… Mais, c’est promis, tout en gardant un oeil attentif sur sa progéniture.

 

Corinne, une douce évolution

 

A côté des reconversions imposées par le marché de l’emploi et plus ou moins bien vécues, il arrive aussi que le changement de cap se fasse en douceur. Il serait plus exact de parler d’évolution.

Au départ, Corinne , transfuge de la pub, et Françoise, mariée à un Belge, s’associent à Paris et ouvrent une boutique de textile de maison et rideaux, tapisserie de sièges, rideaux, tentures. Depuis 2003, elles ont transporté leurs pénates, Corinne d’abord, suivie plus tard de sa complice, rue Franz Merjay.  Une sorte de continuité, d’autant qu’elles travaillent toujours avec des cabinets d’architectes en France, tout en développant une nouvelle clientèle « dont pas mal de Français, reconnaît Corinne. A Bruxelles, nous nous sommes davantage orientées vers la décoration. » Aujourd’hui, le temps semble venu de gravir un nouvel échelon : la rénovation immobilière. « Avec mon mari, nous voulons transformer en appartements des maisons anciennes dans des quartiers pas encore trop convoités », annonce Corinne avec une tranquille audace.

 

Françoise, conseil en image personnelle


Françoise, elle, aura mis deux petites décennies à faire le choix d’une activité selon son coeur.

En passant outre-Quiévrain pour l’amour d’un Belge, cette Roubaisienne laisse tomber ses études. Elle débute comme vendeuse, pour devenir responsable administrative d’une organisation féminine belge. Elle avoue qu’à sa grande surprise il lui a fallu faire le deuil de ces 14 dernières années au moment de tenter son pari : devenir conseil en image personnelle, autrement dit « relookeuse ». Un mot qu’elle déteste : « Non seulement le terme est affreux, mais il donne une fausse idée d’un métier qui met en cause des choses profondes comme l’estime de soi. » Durant un an, avant de créer Image particulière, elle a été formée à l’écoute et à l’analyse des couleurs. Depuis un an et demi, elle assume la solitude du travailleur libéral, la difficulté de se créer une clientèle. Épanouie malgré tout entre ses consultations privées et sa collaboration avec une association chargée de l’insertion professionnelle. « C’est une grande satisfaction d’aider quelqu’un à reconstruire son image et lui faire découvrir que cela peut être très important pour son avenir.»

 

 

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