La maison d'Erasme

Paru dans JV20, sept-oct 2010 | Texte : Clémence Roux de Luze

C’est un endroit hors du temps. Érasme y est resté seulement quelques mois en 1521, mais son aura perdure. Mobilier, tableaux et collection de livres du XVIe le rappellent. Les jardins thématiques sont ouverts au public. Le prix d’entrée comprend également la visite du béguinage à proximité (8 rue du Chapelain).

 

 

La maison d'Erasme à Anderlecht

 

 

 


On a du mal à s’imaginer à Bruxelles en visitant la Maison d’Érasme à Anderlecht. Le calme règne, seulement troublé par les cloches de la Collégiale des Saints-Pierre-et-Guidon. La Gare du Midi est pourtant proche. C’est dans ce lieu paisible que viendra séjourner Érasme, de mai à octobre 1521.

 

Erasme à Anderlecht

 

À cette époque, Anderlecht est encore la campagne de Bruxelles et compte à peine 300 habitants. Érasme vient selon ses propres mots « jouer le paysan ».

La maison construite en deux parties (l’une en 1450, l’autre en 1515) appartient au chanoine Pieter Wichmans. Érasme prépare alors une réédition de son Nouveau Testament et souhaite consulter un manuscrit de l’Évangile détenu par le chanoine. Le séjour d’Érasme sera bref mais à cette époque l’humaniste est très célèbre (il a plus de 40 ans) et son passage marque les esprits. Des textes attestent dès le XVIIe siècle que la maison est devenu un lieu de pélerinage pour les admirateurs du libre penseur.

 

 

 

Musée de la Maison d’Érasme
31 rue du Chapitre, 1070 Bruxelles, tel : 02 521 13 83.
Site : erasmushouse.museum.
Ouvert de 10h à 18 h. Fermé le lundi. Ouvert les jours fériés (y compris les lundis)
Le musée organise aussi une vingtaine de conférences par an.

 

 


 

 

Le musée de la Maison d'Erasme

 

(c) La Maison d'ErasmeAujourd’hui, le musée, inauguré en 1932, abrite des peintures, des sculptures, du mobilier datant principalement du XVe et XVIe siècles et un fonds très important d’ouvrages d’Érasme et d’humanistes du XVIe siècle réservé aux chercheurs. Ce musée est aussi un lieu d’études qui entend poursuivre l’oeuvre du savant. Deux jardins attenants sont également ouverts au public.


La Chambre de rhétorique

 

Au rez-de-chaussée, la visite commence par la Chambre de rhétorique qui abrite le grand tableau de Félix Coghen « Dernier séjour d’Érasme à Bâle » où l’on voit Érasme, déjà âgé, très écouté par d’autres humanistes, chez son imprimeur Jean Froben.

« À la différence de ses contemporains, Érasme travaille dans les lieux même de production, à l’imprimerie. Il a le souci de la technique. Il participe à la création du livre moderne car il écrit mais il réfléchit aussi à la manière dont on va lire les ouvrages. Il va structurer la lecture avec des titres, des paragraphes... Il arrive à l’imprimerie avec des manuscrits non achevés et termine ses livres pendant qu’ils s’impriment. C’est un homme des médias avant la lettre » explique Alexandre Vanautgaerden, conservateur de la Maison d’Érasme.

À cette époque, les grandes imprimeries comme celles de Jean Froben à Bâle ou d’Aldo Manuce en Italie comptent aussi une bibliothèque et une équipe de correcteurs érudits sur lesquels s’appuient Érasme, ce qui explique son oeuvre prolifique.


Au-dessus de la cheminée est suspendu un tableau d’Adrien VI, chanoine du chapitre d’Anderlecht, précepteur du futur Charles Quint et unique pape originaire des Pays-Bas (le dernier pape non italien avant l’élection de Jean-Paul II en 1978 !).

 

Le Cabinet de travail


Le Cabinet de travail rassemble une série de portraits (peintures ou gravures) d’Érasme réalisés par Albrecht Dürer, Hans Holbein et Quentin Metsys, à un âge assez tardif.

Jusqu’en 1516, date où Érasme reçoit la charge de conseiller de Charles Quint, l’écrivain est un moine désargenté. Il n’a pas les moyens de se faire portraiturer. Cette charge lui donne un nouveau statut et lui apporte le soutien de mécènes. Mais, preuve encore de sa modernité, ces portraits sont aussi un moyen pour lui de se constituer et d’asseoir une image à une époque qui s’anonce plus difficile pour lui.

En 1516, Érasme a publié la première édition de son Nouveau Testament, un travail qui connaît un grand succès mais suscite aussi de nombreuses polémiques puisqu’il donne une nouvelle lecture des textes sacrés, autre que celle de La Vulgate, traduction latine de la Bible réalisée par Saint-Jérôme au IV et Ve siècle sur laquelle s’appuie la foi catholique. À un moment où souffle le vent de la Réforme de Luther, certains religieux et théologiens l’accusent de favoriser la critique de l’église catholique.

Outre les portraits, la pièce qui donne sur le jardin, est occupée par des meubles du XVIe siècle.

La table de travail n’est pas celle d’Érasme puisque ce dernier écrivait debout sur un lutrin ou dictait beaucoup ses textes à des « famulis », des secrétaires.

 

La salle Renaissance

La salle Renaissance, tapissée de cuir de Cordoue vert d’eau avec des impressions à la feuille d’or, rassemble des peintures flamandes de Jérôme Bosch, Quentin Metsys ou encore de Peter Huys.

L’espace entre les fenêtres de la pièce a été progressivement réduit afin de donner un effet de perspective (bien visible de l’extérieur) à la salle.

 

La salle des fresques

Au premier étage, la salle des fresques réunit des sculptures du XVe et XVIe siècles, d’anciens livres d’Érasme et des livres de comptes d’Église.


Des morceaux de fresques qui tapissaient vraisemblablement le haut de la salle ont été sauvegardés.

 

 

Musée de la Maison d’Érasme
31 rue du Chapitre, 1070 Bruxelles, tel : 02 521 13 83.
Site : erasmushouse.museum.
Ouvert de 10h à 18 h - gratuit le 1er dimanche du mois. Fermé le lundi.
Le musée organise aussi une vingtaine de conférences par an.

 


 

 

Promenade aux jardins de la Maison d'Erasme

 


(c) La Maison d'Erasme« Érasme se levait avec le jour et travaillait jusqu’à 13h-14h. Les après-midi étaient réservés à l’otium, au loisir. Il écrivait ses lettres (sa correspondance est riche de 20.000 lettres), voyait ses amis... À cette époque, la conscience de la mort était très présente et avec elle, la volonté de profiter de la vie » explique Alexandre Vanautgaerden.

Érasme appréciait beaucoup les jardins et aimait s’y promener. C’est donc tout naturellement que deux jardins sont aménagés derrière la maison : un jardin des maladies dessiné par René Pechère en 1987 et un jardin philosophique en 2000.

 

 

 

Le jardin des maladies

 

Le premier fait vivre une centaine de plantes médicinales qu’Érasme utilisait pour se soigner. À chaque maladie, sa plante remède comme le ellébore vert pour la goutte.

Érasme était souvent malade voire hypocondriaque et redoutait particulièrement la peste dont étaient morts ses parents.

Le conservateur et le botaniste Georges Mees ont compulsé les ouvrages de botanique du XVIe siècle, les lettres d’Érasme et les lettres diagnostic des médecins du savant pour trouver les plantes utilisées à l’époque.

 

Le jardin philosophique

 

Le jardin philosophique a été imaginé par l’architecte Benoît Fondu. Avec le conservateur, ils ont voulu faire référence aux voyages d’Érasme en Europe et ont mis en scène des paysages de plantes typiques que l’humaniste a pu observer pendant ses périples aux Pays-Bas, en Angleterre, vers Bâle, vers Rome.

Quatre artistes contemporains (Marie-Jo Lafontaine, Bob Verschueren, Catherine Beaugrand et Perejaume) ont aussi aménagé dans le jardin des « chambres philosophiques » comme cette chambre de vision de l’artiste espagnol Perejaume concue avec 11.500 lentilles de verre qui permet de voir le jardin autrement ou ces bassins en forme de feuilles qui reprennent les aphorismes en latin des « Adages » d’Érasme. Parmi eux, Festina Lente (Hâte-toi lentement), Ubi bene, Ibi patria (la patrie est là où l’on se sent bien), Difficilia quae pulchra (Les belles choses sont difficiles) ou encore Ubi amici ibi opes (Là où sont les amis, là est la richesse...). L’amitié était en effet une valeur fondamentale pour Érasme.


En sortant de la Maison d’Érasme, n’hésitez pas à aller faire un tour au plus petit béguinage de Belgique (huit béguines y habitaient) un peu plus haut en sortant. Deux petits bâtiments dont le plus vieux date de 1252 entourent un jardin clos. Le béguinage est transformé aujourd’hui en musée d’art religieux et d’arts populaires. Il est l’un des plus anciens musées communaux de Belgique. À côté, se trouve la Collégiale des Saints-Pierre et-Guidon. Au Moyen Âge, la collégiale jouit d’une certaine renommée grâce au culte de Guido (950-1012), le saint protecteur du bétail canonisé au XIIIe siècle et vénéré pour ses pèlerinages au Saint-Sépulcre à Jérusalem et ses miracles. Elle est aussi une étape importante sur la route du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.


En sortant de la Maison d’Érasme, vous souhaiterez peut-être approfondir votre connaissance du latin. Sachez que la Fondation Melissa organise un cycle d’initiation de deux ans basé sur une méthode danoise. Vous apprendrez les bases de la grammaire latine et serez apte à lire les auteurs à la fin de la formation !

Cours à partir du premier mercredi d’octobre de 18h à 19h30. 120 euros par an.
Infos : g.licoppe@skynet.be. 

 

 

 


Musée de la Maison d’Érasme
31 rue du Chapitre, 1070 Bruxelles, tel : 02 521 13 83.
Site : erasmushouse.museum.
Ouvert de 10h à 18 h. Fermé le lundi.
Le musée organise aussi une vingtaine de conférences par an.


 

 


La vie d'Erasme en quelques dates


1467 ou 1469 : naît à Rotterdam d’un père prêtre et d’une mère fille de médecin.
1492 : est ordonné prêtre.
1499 : premier séjour en Angleterre où il rencontre Thomas Moore et le théologien John Colet.
1500 : première édition des « Adages ».
1506-1509 : séjourne en Italie. Il devient docteur en théologie à l’université de Bologne.
1509-1511 : publie « L’Éloge de la folie » sur la route entre l’Italie et l’Angleterre.
1516 : devient conseiller de Charles Quint. Publie son « Nouveau Testament ».
1517 : le pape le dispense de porter l’habit monastique.
1517-1521 : il séjourne à Louvain et dirige le collège des Trois-Langues.
1519 : Luther sollicite son adhésion à la Réforme mais Érasme entend rester catholique.
1524 : publie le « Traité du libre arbitre » qu’il adresse à Luther qui lui répond par le « De servo arbitrio ».
1530 : publie le « Traité de civilité puérile », manuel de savoir-vivre à l’égard des enfants qui aura un retentissement très important.
1536 : meurt à Bâle.

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